Fertilité et fécondité
Extrait écrit,
(à partir de la 35ème minute, jusqu’aux questions à 1 heure 13 de conférence)
Conférence trouvée sur Youtube, par le biais de recherche sur les engrais, notamment le phosphore.
Le nom de cette conférence passionnante : Fertilité et fécondité du verger
" (...) Un sol est composé à 1/2 de « vie », 1/4 de minéraux, et 1/4 de vide.
Ce dernier quart est rempli avec de l’eau quand il pleut, par exemple.
L’abondance des racines dans le sol montre bien que le premier constituant des sols est la vie.
Quel genre de vie ? Je suis parti sur le même délire que pour les framboisiers :
Pour qu’un sol contienne quelque chose qui fonctionne bien, il faut qu’il y ait plein de formes de vie différentes.
Comment faire émerger ces différentes formes ?
On leur donne à manger. Exemple : les pucerons, sur les violettes, les framboisiers, les sureaux, etc. Dans le sol, il faut ainsi des nourritures très différentes les unes des autres. (…)
A chaque fois qu’une matière vivante meurt, ça génère une faune et une flore microbiologie adaptée. Plus l’environnement est hétérogène, plus la vie est hétérogène.
La vie du sol a été étudiée. Toutes les personnes que j’ai rencontrées qui étudient le sol expliquent qu’elles ne connaissent qu’1 ou 2% de tout ce qui vit dans le sol. (…)
Instinctivement, par comparaison, même si cette dernière n’est pas un raisonnement très scientifique, j’ai tout de même tendance à penser que de la diversité naît justement la diversité.
La diversité des bactéries, des champignons et des petits animaux qui vivent dans le sol, ce n’est pas de la « matière organique », générique, ce sont des matières organiques différentes, vivantes qui vont mourir et générer d’autres choses.
Plus il y en a, comme pour les auxiliaires avec les pucerons, plus ça se régule, moins il y a de soucis.
Finalement, le modèle, ce n’est pas la monoculture de quelque chose, le modèle, c’est l’abondance.
Comment la générer, comment faire ? La question reste ouverte. Mais ce qui me paraît important, c’est que le principe d’abondance est lié au principe de fertilité. Il n’y a pas l'un sans l’autre. Abondance et fertilité créent de la générosité et là, ça devient fécond.
La fécondité est le stade au-dessus, ou après, la fertilité. Notre objectif est d’avoir des sols féconds.
Fécond, ça veut dire que ça génère plus que ce qu’il y avait au départ. Quand on dit qu’un couple est fécond, c’est qu’il a beaucoup d’enfants… Un plus un égale trois.
La fécondité d’un sol, c’est ça : quand on y amène des choses et que tout ce qu’on y amène fait que, si vous voulez mettre une équation, ça apporte plus. Alors bien sûr, ce genre d’équation est très difficile à modéliser. Mais pourtant, c’est bien ce qui faut que l’on apprenne à regarder : quels sont tous les lieux, les emplacements où se génère cette fécondité ?
Faut regarder, donc.
Dans notre sol, des petites bestioles ont été oubliées : les champignons.
Tout le monde les connaît (…). En fait il y a des champignons qui poussent sur à peu près tout : sur le bois, ça fait des pleurotes, sur le fumier c’est les champignons de Paris, sur les feuilles mortes, ça fait toutes sortes de pézizes. Et puis après, il y a les champignons qui vivent en association avec des plantes. On les appelle les champignons mycorhiziens. Ils sont là, ou ne sont pas là, d’ailleurs. Quand on regarde des vergers dits « conventionnels » et qu’on regarde dans le sol pour y trouver des champignons, souvent, les seuls champignons qu’on y trouve sont pathogènes.
Et lorsqu’en ce printemps, on a échantillonné les racines du conservatoire ici, on a trouvé sur les sols plein de spores de champignons, qu’on appelle des Glomeraceae, des « Glomus ». Assez étonnamment, ici il y en a beaucoup. Dans les haies fruitières aménagées sur le site, il y en a encore beaucoup plus. On a été voir tout près d’ici des cultures de personnes qui ont des cerisiers, où le sol avait été désherbé chimiquement et juste à côté, un sol qui avait été travaillé mécaniquement, où l’on pouvait trouver des tulipes et des poireaux sauvages. Dans ce dernier lieu, on pouvait trouver des champignons, là où il y en avait pas, beaucoup moins. Les plantes entre elles vivent très souvent avec des champignons.
Un chercheur que j’aime beaucoup, Francis Hallé, qui a écrit des choses remarquables
là-dessus et notamment que les champignons sont le premier système racinaire des plantes.
En fait le mycelium des champignons est tellement fin qu’il peut permettre d’aller dans des anfractuosités du sol où les radicelles ne peuvent pas aller. J’étudiais dans un autre contexte le mycélium de truffes, la production de truffes… Le mycélium de truffe est cent fois plus fin (3 microns de diamètre) que celui des petites radicelles. Le champignon constitue une espèce de matrice dans un sol vivant, matrice sur laquelle se fixent comme si elles étaient greffées, toutes les plantes. Ce que dit Francis Hallé, c’est qu’au moment où les plantes sont sorties de leur milieu aquatique, il a bien fallu qu’elles inventent des tas de trucs pour vivre en dehors de l’eau. Le premier truc qu’elles ont inventé, c’était le bois, pour se dresser. Dans l’eau, la poussée d’Archimède fait que les plantes sont soutenues. Il a fallu qu’elles inventent des appareils pour respirer, donc les stomates à la surface des feuilles, pour que l’air puisse pénétrer dedans mais que ça puisse quand même se refermer si jamais il fait trop sec pour que la plante ne se déshydrate pas. Il a fallu qu’elles inventent des cuticules (…) énormément de choses, y compris des racines, le système racinaire, pour leur permettre de capter l’eau, les sels minéraux, les nutriments qui sont dans le sol et de les remonter par le bois dans le reste de la plante. Donc un capteur au niveau du sol, les algues n’ont pas de racine, elles prennent directement l’eau et les sels minéraux par leurs feuilles, elles n’ont pas ce souci-là.
ça faisait beaucoup de choses à trouver simultanément. Des paléontologues ont découvert que les lycopodes, présentes en abondance à l’époque du carbonifère (de grandes forets qui pouvaient faire trente à quarante mètres de hauts). Ces lycopodes n’ont pas de racines, mais on a pu trouver des structures à la base de ces lycopodes qui correspondent aux mycorhizes actuelles. Le premier système racinaire des plantes qui sont sorties de l’eau était les champignons. La théorie pensée derrière ça est que le système racinaire s’est développé pour optimiser la relation que la plante entretient avec son champignon. Mais le vrai « truc » qui absorbe est le champignon, pas la racine. Dans l’évolution, les poils absorbants sont arrivés très tardivement, uniquement quand les plantes ont inventé les graines. Quand une graine germe, elle ne va pas forcément se retrouver à côté d’un champignon qui va l’alimenter. Elle a besoin de passer un petit laps de temps où elle doit s’alimenter seule. si on fait ça avec un petit chêne, il va faire des poils absorbants. Mais quand arrive la sixième feuille, je vous défie de trouver un poil absorbant. A ce stade-là, normalement le chêne est déjà mycorhizé et n’a plus besoin de poil absorbant. Sur un chêne adulte, il n’y en a plus. (…) Il perd cette capacité d’avoir des racines autonomes et vit en relation avec les champignons. Etonnant que quelque chose d’aussi indispensable, qu’on y fasse pas attention dans nos sols. « ça marche sans ». On parlait de la potasse, du phosphore. Intéressant au vu de ce que l’on sait aujourd’hui sur les mycorhizes, de relire les anciennes expérimentations. J’ai fait un travail sur le phosphore (en essayant d’élargir sur la potasse) pour comprendre en quoi il était utile aux plantes. L’agriculture conventionnelle dit qu’il faut cent unités de phosphore par hectare et par an pour entretenir nos verges.
Dans la recherche sur le framboisier, que j’ai étudié, en fait, dans une petite framboise, quand il sort deux unités de phosphore, c’est bien tout. Pourquoi mettre tant de phosphore ? En fait… ça ne sert à rien. La grosse découverte qui a été faite pas la suite est que lorsqu’on met de l’acide phosphorique, phosphore sous une forme excessivement assimilable. Quand on met ce phosphore, la plante va avoir accès au phosphore assez facilement, même très facilement. Or, dans la nature, le phosphore est majoritairement apporté par les champignons, dont c’est la grosse fonction. Quand ont met du phosphore gratis à la plante, la plante ne va pas payer le champignon pour avoir son phosphore. La mycorhize coûte 20% de sève à la plante. Si on met du phosphore avec de la potasse, elle ne va plus avoir besoin de ce champignon. Résultat de l’opération : elle économise 20% de sa sève. En 1983, une méta-analyse a été faite par la fédération de l’industrie des engrais, dont on jugera de la bonne foi, et qui arrive au résultat que cette utilisation apporte 20% de rendements en plus.(…) En destruisant le champignon, on a détruit tout ce qui allait avec ce champignon. Et aujourd’hui on se rend compte que dans ces réseaux mycéliens circule beaucoup d’autres choses, et pas que du phosphore : alors les éléments minéraux, bien sûr, la potasse, Le sélénium, le zinc, le fer. Pour la potasse, 2% de la croute terrestre est constituée de potasse. C’est-à-dire que sur cent kilos de sol, vous avez deux kg de potasse. C’est énorme. Quand on met quelques grammes par mètre carré, ou cent cinquante kg de potasse par hectare, ce ne sont que quelques grammes que ce qui se trouve déjà dans le sol, que seul le champignon peut apporter à la plante. Le mycélium peut pénétrer à l’intérieur des cristaux, dans la roche. (…) Pas besoin de faire venir de la potasse de l’autre bout de la planète. Rien que pour ces éléments minéraux là, ça apporte déjà beaucoup. Mais on s’est rendu compte qu’il circulait aussi d’autres choses dans ces champignons. Nos pommiers attaqués par des pucerons, un message est émis par la plante à l’endroit où c’est attaqué, un peu plus de polyphènoles qui est produit à l’endroit de l’attaque, des ARN. (…) Une petite information circule dans la plante, et quand ça arrive à d’autres endroits, notamment dans de jeunes bourgeons, toutes les feuilles produites à ce moment-là arrivent à être un peu plus épaisses. (…) La plante réagit et met en marche des système de protection contre les psylles.
La journée, la sève circule dans la plante, la sève brute qui vient de l’eau du sol, le champignon, ça remonte dans le tronc et ça transpire par les feuilles. Et puis, vous avez la sève élaborée qui re-parcourt toute la plante et redescend jusque dans les racines.
Dans les racines, cette sève élaborée s’arrête là dans la journée. Le champignon ne fonctionne que dans un sens, avec un seul tuyau. Ces mycorhizes, ces petites organites qui se trouvent à l’endroit des racines, sont la jonction entre les champignons et les plantes. On voit que dans ces mycorhizes la sève s’accumule et notamment ces fameuses ARN. On arrive à retrouver en fin de journée jusqu’à mille fois plus d’ARN dans les mycorhizes que dans le reste de la plante. Tous ces messages s’accumulent donc dans les mycorhizes. Arrive la nuit. La transpiration s’arrête et le flux s’inverse, la sève redescend de l’arbre et retourne vers le champignon. Natacha Leroux, qui a un site qui s’appelle Permaforet, que je vous invite à aller voir, a fait des photos merveilleuses en pleine nuit où l’on voit des mycélium de champignons transpirant tant la sève qui arrive est importante.
Le même système de champignon peut connecter différentes plantes entre elles. L’arbre qui est à côté va avoir l’information de ce petit ARN : attention, attaque de pucerons. Notre arbre, grâce à notre milieu, va avoir l’information qu’il y a une attaque. Avant même que lui-même soit attaqué, il a déjà mis les parades pour contrer cela. Des choses qu’en temps normal il ne fait pas car ça lui coûte cher(…).
Est-ce que le message va loin ?
C’est difficile à mesurer. On a fait des mesures de façon indirecte, notamment en regardant à quelle vitesse circulait le phosphore dans le réseau mycélien. Le phosphore qui se trouve à un point donné d’une parcelle (phosphore tracés radioactivement), à partir du moment où il pénètre dans le champignon, en sept jours, le phosphore se trouve réparti sur plus de mille mètres carrés. Pour vous montrer que c’est un phénomène hyper-actif. Lorsqu’on n’a plus de champignons dans le sol, on prive les plantes de tout ce réseau informationnel, ce « web » avec lequel elles communiquent.
On ne connaît pas grand chose encore dans le langage des fleurs. On a juste identifié actuellement 1200 types d’ARN différents qui s’accumulent dans les mycorhizes. 1200 mots, peut-être des mots doux, des mots méchants. Il ya des choses bizarres, pas que des mots gentils. Et puis c’est un réseau, parfois il s’y passe des choses rigolotes. L’acacias, par exemple : sous cette arbre, chez nous, la végétation est plutôt faible. L’acacias vient des Amériques, avec des plantes qui ont l’habitude de vivre avec des Acacias.
Chez nous, les acacias envoient un message dans leur réseau mycélium « oupp ! Attention ici danger ».
Donc les plantes de chez nous captent un danger, une toxicité (…) elles ne vont pas germer, pas faire de racines dans les zones dans lesquelles les acacias poussent. Exceptées certaines tomates sauvages qui poussent merveilleusement bien, parce qu’elle a en elle l’information que l’acacias est un hacker, un bluffeur, et elle sait que c’est du bluff et y va quand même. Encore plus déroutant, elle envoie un message pour expliquer à l’acacias que ici, il y a des tas de trucs intéressant, et donc, l’acacias lui envoie plein de sève. Elles arrivent à pousser de façon tout à fait remarquable alors qu’elles ne voient quasiment pas la lumière.
Les oeillets d’Inde, avec les tomates, quand le réseau est bien mycorhizé, ça pousse bien. Mais on n’a pas encore décrypté pourquoi. (…)
Dans la fertilité, j’y mets donc bien la notion de champignon. Pourtant le champignon est associé à la pourriture, à quelque chose de pas beau, et pourtant, pourtant… Même ce truc pas beau qui pue a un grand rôle. « La vie est belle, c’est aussi simple que ça ».
Ce champignon met en réseau des plantes, depuis longtemps, centaine de millions d’années. Le système fonctionne bien, il est durable, a réussi à résister à l’exinction des dinosaures et autres destruction de la planète extraordinaires.
On a tout ce qu’il faut. C’est déjà là.
Et même quand ça n’existe pas, la nature fait émerger des solutions quand on ne s’y attend pas. (…)
Quel est le sens de la vie ?
Cette fertilité, fécondité, c’est vers « plus de vie ». c’est ça le sens de la vie, c’est d’aller vers plus de vie. Quels sont les lieux où il y a le plus de vie ? Quel sont les points de mon jardin, de mon verger, où il y a le plus de vie, et comment mettre en lien ces lieux.
(…) On ne sait pas où on va, c’est la fin du monde, dit-on, mais tant pis, on va où on va, là où il y a de la vie. (…)
Là où il y a des gens, je les appelle les « gardiens. »
Sur Terre est en train d’émerger toute une génération d’enfants, de jeunes, de vieux, qui sont des gardiens de la vie.
Chaque fois que je fais quelqu’un qui veut diffuser ce qu’il fait dans cette collection, qui attire chez lui des petits oiseaux, des petits compost, qui font des petits points d’eau dans lequel il y a plein de bestioles qui vont venir. (...)
Dans les situations de crise, j’ai envie de dire que ces gens-là sont notre plus grand espoir et que nous avons tous à nous poser cette question :
Puis-je moi aussi devenir un gardien de la vie sur Terre ?
Je ne peux que vous encourager à prendre cette voie. Je vous assure que vous ne le regretterez pas et qu’avec moi, vous pourrez dire de tout votre coeur, de toute votre âme que… La vie est belle."
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Mycorhizes: boosteurs de croissance pour vos arbres et vos légumes!
La plante dispose d'un système racinaire limité en superficie et en diamètre. Lorsqu'elle ne peut plus accéder seules aux nutriments en quantité suffisante dans les quelques millimètres autou...
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