La Forêt-Jardin, de Martin Crawford. Partie 1.6 La fertilité des forêts comestibles
Et ça continue...! A la suite du précédent article où il était question d'imitation de la forêt (écrit l'année dernière, quand même, le temps file), voici un petit point sur la fertilité dans une "forêt comestible" ( selon M. Crawford).
Une forêt comestible est autofertile, mais comme on prélève de la matière, il faudra envisager de nourrir certaines plantes.
On pourrait départager les plantes en quatre groupes selon leur besoin en apports :
1- fruitiers sauvages à production faible n'auront besoin d'aucun apport ;
2- fruitiers à production moyenne : un peu de potasse, un peu d'azote ;
3- plantes à fortes fructification : azote et potasse ;
4- légumes annuels : pas mal d'azote et de potassium, quatre à cinq fois plus d'intrants que les autres. *** Tout en sachant que la fertilisation artificielle attire ravageurs et maladies
Apporter des nutriments dans une démarche durable : le mieux est de fertiliser les plantes dans un système à circuit fermé.
Plusieurs tableaux mettent en évidence les apports en différents nutriments en fonction des plantes et de leur rendement.
*** L'azote : privilégier les plantes fixatrices d'azote, comme le trèfle, la luzerne. Avec de la consoude, plante très intéressante, et des chalefs d'automne, buissons fixateurs d'azote.
*** Potassium : l'urine par exemple, est riche en potassium.
*** Phosphore : normalement biodisponibles dans le sol, cependant on en trouve en grande quantité dans la cendre de bois.
L'urine au jardin est très utile et n'a pas besoin d'être diluée. Par ailleurs, en ce qui concerne les excréments, les toilettes sèches apportent de l'engrais en quantité non-négligeable !
La consoude est une plante excellente, riche en potassium et en azote.
Bilan de Nutriments : estimer les besoins de tout le système en sachant qu'à terme, une forêt mature redistribue comme il faut les nutriments aux plantes qui le nécessitent, grâce au réseau mycorhizien.
M. Crawford propose un exemple de calcul en prenant en compte le rendement dans différentes zones.
En fonction du pH du sol, les nutriments ne vont pas tous être disponibles de la même manière, ce qui peut expliquer les carences. Les pluies et le travail du sol acidifient la terre, qui peut nécessiter un apport. Mais dans un jardin plus mature, le réseau mycorhizien et les nombreuses racines exploitent les nutriments avant lessivage.
Une analyse de sol est recommandée, afin de savoir si un amendement en calcaire est nécessaire.
La fixation de l'azote dans les plantes
Le diazote gazeux est très présent (N2), constituant majoritaire de l'atmosphère, mais la plupart des plantes ne peuvent l'assimiler sous cette forme libre. L'azote est pourtant essentiel à leur développement.
//L'azote peut-être captée dans la terre à partir de la minéralisation des résidus de matières organiques, qui ne sont pas concentrées, ou pire, de synthèse, comme c'est souvent le cas dans l'agriculture humaine moderne, qui pollue les eaux à cause d'un apport trop important d'azote couplé à un lessivage des sols...//
Deux groupes de plantes fixatrices - avantage évolutif considérable, qui en font des plantes pionnières dans des zones pauvres en azote - permettent, ainsi que le montre le schéma ci-dessus, de fixer l'azote atmosphérique grâce aux bactéries (Rhizobium et Frankia par exemple) présentes sur leurs racines :
- les légumineuses (les fèves, les trèfles, etc)
- les plantes actinorhiziennes (comme le chalef)
Facteurs influençant la fixation d'azote : la température, la saisonnalité, le pH du sol (Rhizobium généralement moins tolérant à l'acidité que Frankia), la disponibilité de l'azote dans le sol (la plante peut réduire la fixation à 10%), le stress hydrique et la lumière (la fixation est alimentée par la lumière).
La libération de l'azote pour les autres plantes se fait soit par la mort de la plante (litière et racines) soit par le réseau mycorhizien qui peut entraîner l'azote vers les zones pauvres, autour des plantes en demande (à condition bien sûr qu'elles soient elles mêmes connectées au réseau, donc plutôt pour les vivaces).
Les buissons peuvent être taillés, les branches non-broyées disséminées.
Avantages par rapport à un amendement ordinaire :
* apport + régulier
* - de lixiviation (lessivage)
* apport aussi dans le sol directement
Autres usages des fixatrices d'azote : accumulation de minéraux et libération par divers procédés, brise-vent (Caraganier de Sibérie et l'argousier, tout deux comestibles, par exemple), mellifère, amélioration du sol via humification, prévention des maladies (les aulnes suppriment les maladies fongiques en libérant des substances via leurs racines), comestibles (les fèves, les haricots, etc).
L'ouvrage propose ensuite des tableaux qui "listent les principales plantes utiles à inclure dans votre forêt comestible pour la fixation de l'azote : arbres, arbustes, vivaces herbacées, celles qui conviennent à l'ombre et au soleil, et celles qui peuvent servir de couvert aux autres plantes".
Par exemple, vivaces herbacées tolérant l'ombre partielle, La réglisse romaine, ou alors arbres de la canopée, l'Aulnes à feuilles en coeur, plus tolérant à la sécheresse que la plupart des aulnes, très bon brise vent, ou encore un petit arbre tolérant la pleine ombre (alors que les fixatrices d'azote sont généralement héliophiles) l'Eleagnus x ebbingei, ou l'eleagnus punges.
//Bon à savoir : la glycine, mellifère et ornementale, est aussi une fixatrice d'azote.//
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et voilà c'est terminé pour ce chapitre. Le prochain chapitre sera le premier de la 2eme partie, qui concerne cette fois-ci la Conception : "Préparation du sol et plantation".
De nombreuses fixatrices se trouvent naturellement sur votre terrain, à vous de les découvrir !
Prenez soin de votre réseau mycorhizien et à bientôt !