Petit bilan des neuf premiers mois
Un "bébé jardin comestible en permaculture" a un temps de gestation infiniment plus long que celui des nôtres, humains, pour venir au monde.
On compte souvent entre cinq et quinze ans, suivant les ambitions et les mains disponibles, pour mettre au monde un jardin comestible dont on pourrait vivre. Certains parlent même de plusieurs générations, dans le cas d'une forêt-jardin.
Voilà que depuis le mois de décembre, je tâche de mettre sur pied un jardin maraîcher. C'est normal de passer par des phases de désespoir, des passages à vide, quand on travaille sur le vivant. Le tout est de continuer pour les surmonter.
Tant de choses encore à apprendre ! C'est presque vertigineux. Il me faut de l'expérience, de judicieux investissements et beaucoup de temps -( pour réfléchir et agir, il faut régler la balance )- avant d'avoir un jardin prolifique assez pour nourrir tous ceux qui passent par là, mais aussi pour pouvoir commercialiser des paniers. A moins de trouver un filon simple à côté : champignons, viande, ...
Je sais déjà qu'à l'automne prochain, je vais préparer un maximum de semis directs ou indirects, à mettre sur les parcelles de l'été finissant. En fin d'automne, je mettrai du cartons et des débris végétaux de l'été partout où je voudrais créer des zones pour les semis du printemps. Cette année, cette technique a très bien fonctionné. Il ne faut pas attendre le printemps pour préparer les parcelles : les herbes indésirables sont en pleine fortification, c'est donc plus compliqué de les arracher sans trop "blesser" la terre à ce moment-là.
Pour les cartons, faire très attention aux cartons étrangers, qui sont souvent traités contre la moisissure (nous, on veut qu'ils moisissent, justement, c'est ce procédé de décomposition de la cellulose qui va faire exploser la vie du sol tout en décomposant les herbes indésirables). Bien sûr, enlever les scotch et plastique. Pas d'encre !
J'ai fait un grand nombre d'erreurs, certaines que je comprends, d'autres qui me laissent encore pantoise, sinon songeuse.
Par exemple, je voulais faire la technique de Pascal Poot (cliquer pour voir la vidéo) et d'autres personnes dans sa situation, ne pas arroser et laisser au fur et à mesure la génétique gagner en force, mais je me mets une telle pression que je ne peux m'empêcher d'arroser, pour ne pas perdre la face et produire des légumes tout de suite, maintenant. Ce que nous faisons pour l'été : chaque jour, un beau panier nous attend. Oui, un seul panier... Le problème aussi c'est que je me rends compte de la difficulté de conservation des plantes sauvages, consommables sur place, que je cueille encore peu pour dessiccation. Je pensais les commercialiser mais je suis sans doute un peu inconsciente de la difficulté de se faire valider légalement pour vente d'herbes aromatiques et surtout, médicinales.
Je me suis donc découvert une passion plus grande que les autres, celle de connaître en détail les vertus, propriétés médicinales, de chaque plante. Un seul conseil pour le moment : gare aux interactions.
N'ayant plus grand chose à faire par ces chaleurs hormis maintenir en état le peu de parcelles utilisées et les arbres, dont les cerisiers malades depuis les pluies chaudes du printemps, construire des choses quand il ne fait pas trop chaud, ramasser les graines et les légumes, je subis ce fameux "passage à vide" dont je parlais en début d'article : je ne sais pas bien où je vais, si tout cela a du sens.
Pour le surmonter, je pense déjà terminer mon article sur Fukuoka (il manque la troisième partie) et designer mieux le jardin, le dessiner en plusieurs dimensions. Faire des croquis et mettre au point des stratégies.
En serais-je capable ? Je vais tout du moins essayer. En cas d'échec, prendre du recul, ici ou ailleurs !
Ce n'est pas la vigueur, mais la durée du sentiment élevé qui fait les hommes élevés.
Au niveau climatique : un hiver très long et froid qui nous a valu l'acquisition rapide d'une petite serre d'appoint, suivi d'un printemps tardif, doux et très pluvieux, qui a considérablement laissé les maladies cryptogamiques gagner du terrain sur les cerisiers mais nous a aussi évité d'arroser : le clan des butternut a "explosé", les tomates ont fait la tronche (mildiou), la plupart des plantes annuelles émergeant à cette époque étaient en pleine forme. L'été a commencé sous la pluie avec un juillet clément pour un mois d'août extrêmement chaud : jusqu'à quarante-cinq degrés à l'ombre au plus fort, qui, malgré cette fois-ci un arrosage très fréquent, au moins tous les trois jours, a failli cramer toutes les plantes de plein soleil. Il fait encore chaud, mais raisonnablement. Le purin de prêle est en préparation pour donner un coup de jeunes à toutes les plantes.
Sur un même champ, le paysan doit faire pousser ses récoltes différemment chaque année d'après les variations du temps, des populations d'insectes, de l'état du sol et de nombreux autres facteurs naturels. La nature est partout en perpétuel mouvement ; sur deux années les conditions ne sont jamais exactement les mêmes.