La Révolution d'un seul brin de paille - Partie 3

Lors du précédent article sur le sujet, je te parlais déjà de l'ouvrage sans précédent de M. Fukuoka. Ainsi, pour avoir une lecture complète du résumé, autant commencer par le premier article.

Nous en étions donc au chapitre "Arbres du verger" page 83. M. Fukuoka débute avec 7000 mètres carrés d'un verger d'agrumes pour arriver trente ans plus tard à un verger de cinq hectares, en reprenant des terrains abandonnés, après un fastidieux travail à la main, le tout semé de trèfles, sans ajout chimique. Il faut attendre sept ans environ pour voir les premiers agrumes porter leurs fruits.

Il ne faut pas ajouter de pesticides pour ne pas tuer les prédateurs naturels. Il utilise cependant de " l'huile de machine" dilué 200 à 400 fois pour venir à bout des mites et cochenilles, une pratique pourtant proscrite en biodynamie.

Aussi, il dit n'être pas favorable à l'introduction d'espèce prédatrices qui peuvent fragiliser l'écosystème des arbres. 

Comme nous l'avons déjà vu, il préconise une taille douce de tous les végétaux, surtout les arbres, voire pas de taille du tout : 

Mais si les arbres sont corrigés graduellement, ils retrouveront finalement à peu près leur forme naturelle. Les arbres deviennent plus forts et les mesures de contrôle des insectes inutiles. Si on plante un arbre avec soin et si on lui permet de suivre la forme naturelle depuis le début, il n'est pas nécessaire de le tailler ni de le pulvériser. La plupart des plants ont été élagués ou leurs racines ont été endommagées à la pépinière avant d'être replantés au verger, ce qui rend l'élagage nécessaire depuis le début.

p. 85, chapitre "les arbres du verger", Fukuoka

Dans le chapitre "La terre du verger", il explique comment il a re-généré la terre des parcelles abandonnées.

Avec l'engrais vert pour fertiliser le sol en surface et les racines de l'acacia Morishima pour l'améliorer en profondeur, vous pouvez très bien vous passer de fertilisant et il est inutile de cultiver entre les arbres du verger. Avec de grands arbres en brise-vent, des agrumes au centre et une couverture d'engrais vert dessous, j'ai trouvé le moyen de ne pas m'en faire et de laisser le verger se débrouiller seul.

p.89, "la terre du verger"

Au chapitre suivant, il est question de "faire pousser des légumes comme des plantes sauvages". La culture ancestrale dans les familles rurales, qui utilise la rotation de culture, "le fumier animal, les rebuts humains et le retour de tous les résidus organiques", n'existe presque plus depuis vingt ans en 1975.

A cette époque, les gens veulent déjà des "légumes propres".

Il est étrange que les gens en soient venus à penser que ces légumes poussés chimiquement sont "propres" et sains à consommer. Les aliments qui ont poussé dans un sol équilibré par l'action des vers de terre, des microorganismes et du fumier animal en décomposition sont les plus propres et les plus sains de tous.

p. 91

Ainsi, M. Fukuoka jette ses graines à la volée dans son verger après avoir coupé les herbes. Le point important pour lui est le moment pour semer.
"Quand les mauvaises herbes d'hiver commencent à mourir et que celles du printemps commencent à germer", c'est le moment de semer les légumes de printemps. Même principe pour les légumes d'automne. Il attend aussi la pluie de plusieurs jours. Ensuite il recouvre les graines avec les herbes qu'il a coupé, notamment pour les cacher aux oiseaux et poulets. 

"Idéalement les herbes doivent être recoupées deux ou trois fois pour donner une tête d'avance aux pousses de légumes."

S'en suit une liste délicieuse des saveurs de ces légumes revenus à un état semi-sauvage, ainsi qu'une liste des légumes ne pouvant fonctionner sur ce principe, comme les tomates ou les aubergines, qui doivent être d'abord semés en planche.

Les pommes de terre et les tarots repoussent d'eux-mêmes si on en laisse lors de la récolte, en place. Si la terre est trop dure, il préconise de d'abord faire pousser du radis japonais (ndlr : ou du panais par exemple) pour ameublir la terre la première année.

Le trèfle blanc peut être semé en même temps que les autres légumes, pour servir de "mulch vivant".

Vous pouvez cultiver les légumes partout où la poussée des mauvaises herbes est vigoureuse et variée. Il est important de se familiariser avec le cycle annuel et le schéma de croissance des mauvaises herbes et des graminées. En regardant la variété et la taille des mauvaises herbes dans un certain espace vous pouvez dire quelle sorte de sol c'est et quelles sont ses déficiences.

p. 96

Dans le chapitre suivant, Fukuoka nous parle des conditions à réunir pour abandonner l'usage de produits chimiques, qui, aux yeux de bien des gens, est une condition pour nourrir la population et enrayer les maladies. Comme il l'explique déjà tout au long de son ouvrage, l'auteur reprend ici les préceptes : ne pas agir inutilement en inondant, pour ne pas tuer les prédateurs naturels, par exemple, ou couvrir son sol, pour ne pas avoir à utiliser d'herbicides ou arracher les herbes à la main.

Le chapitre suivant pointe "les limites de la méthode scientifique", qui "divise la nature en petits morceaux" sans se soucier de la totalité de la vie du paysan. Selon lui, les facteurs d'un terrain et des plantes qui s'y trouvent sont innombrables, il est impossible de les prendre tous en compte dans une démarche scientifique. Déjà à cette époque, il explique clairement le problème des OGM, qui n'en portent pas encore le nom : 

On entend beaucoup de bruit en ce moment sur les bienfaits du "mouvement du Bon Riz" et de la "Révolution Verte". Parce que ces méthodes sont subordonnées à des variétés de semences faibles, "améliorées", l'agriculteur doit avoir recours à des produits chimiques et à des insecticides 8 à 10 fois pendant la saison de croissance. En peu de temps les microorganismes et la matière organique sont brûlés. La vie du sol est détruite et les récoltes en viennent à être dépendantes des matières nutritives ajoutées de l'extérieur sous la forme de fertilisant chimique.

M. Fukuoka, chapitre "les limites de la méthode scientifique", page 103.

La dernière partie du livre concerne l'environnement et la politique scientiste et catastrophique menée à ce sujet. 

Ainsi apparaît-il que les agences du gouvernement n'ont pas l'intention d'arrêter la pollution. (...) Dans la mesure où chacun ne transforme pas fondamentalement sa conscience, la pollution ne cessera pas. (...) La pollution ne fera qu'empirer jusqu'à ce que la foi dans les grosses solutions technologiques soit renversée.

M. Fukuoka, chapitre "une modeste solution à un problème difficile", page 110-112.

A ce moment-là, M. Fukuoka avertie que ce sont les pratiques agricoles, comme noyer les rizières, qui engendrent le plus de pollution.

La responsabilité du consommateur :

Les consommateurs d'il y a cinquante ans préfèrent déjà des gros fruits et légumes "propres", brillants, ne se souciant pas de savoir s'ils sont hors-saison. Mais pour en arriver là, il faut ajouter des chimiques de toutes sortes. A cette époque, pas encore conscientisée sur les répercussions de la chimie dans nos assiettes, ce genre de produit est vendu plus cher, le double, voire le triple, qu'un produit sans ajout chimique, de saison et "moche", périmant plus vite - moins attirants.

Si une technologie est trouvée qui permet de vendre plus cher un produit, ajoutant un surcroît de travail, cette technologie est rapidement adoptée dans tout le pays, et déjà à cette époque, mondialisé.

Pour le dire en un mot, jusqu'à ce qu'il y ait un renversement du sens des valeurs qui se préoccupe plus de la taille et de l'apparence que de la qualité, il n'y aura pas de solution au problème de la pollution de la nourriture.

M. Fukuoka, chapitre "le fruit des temps difficiles", page 116

Dans le chapitre suivant, M. Fukuoka nous parle du "commerce des aliments naturels". Au début, il envoyait ses mandarines et son riz dans des cartons simples au prix le plus bas du marché, jusqu'à ce que pour convaincre le citoyen il soit obligé de les empaqueter avec une étiquette. Par exemple, "mandarines naturelles".

Les agriculteurs utilisant des produits chimiques se sont retrouvés dans une conjoncture économique difficile, les obligeant à ne choisir que les plus beaux, ceux acceptés par les coopératives (25 à 50% de la récolte totale). Sans ajout, le bénéfice net est plus avantageux.

Un autre problème se pose alors : le prix bas rend suspect le produit naturel, qui dans l'esprit du consommateur devrait se vendre plus cher. Le marché se restreint par conséquence.

Si on demande un prix élevé pour les aliments naturels, cela veut dire que le marchand prend un bénéfice excessif. En outre, si les aliments naturels sont chers, ils deviennent des aliments de luxe et les riches peuvent seuls se les offrir.

M. Fukuoka, chapitre "Le commerce des aliments naturels", page 119

Selon Fukuoka et cette manière de penser, il vaut mieux cultiver naturellement de quoi se nourrir plutôt que de penser à faire du profit, trop dépendant des prix fixés à l'avance à l'étranger, pour des produits artificiels.

Puis il pose la question : la recherche, oui, mais au bénéfice de qui ? Quand il construit son petit semoir, il n'est pas question de développer ce "bidule", car quel agriculteur achèterait alors des tracteurs des "millions" s'il se rendait compte de leur inutilité ? Même chose avec les fertilisants et les désherbants. Ici, nous sommes encore en plein débat d'actualité, quand on sait maintenant que des entreprises de recherche agrochimique, mondialisées comme Bayer (Monsanto), se font condamner pour empoisonnement.

Plus loin, Fukuoka nous parle de spiritualité, quand il ne faut plus s'occuper de progrès matériel : 

Une vie d'agriculteur sur une petite ferme peut paraître primitive, mais en vivant une telle vie, il devient possible de contempler la Grande Voie. Je crois que si chacun sonde profondément ce qui l'entoure et le monde quotidien dans lequel il vit, le plus noble des mondes lui sera révélé.

Chapitre "Sers uniquement la nature et tout ira bien", page 136

L'agriculteur doit avoir le temps d'écrire des poèmes, (ou de faire un blog ^^) par exemple, même s'il est pauvre. 

Je pense que les gens ne luttent pas pour d'autres raisons que d'arriver à connaître ce que l'on pourrait appeler la grande incompréhensibilité de la nature. (...) Peu importe comment la moisson va touner, s'il y aura assez à manger, il y a de la joie simplement à semer et à prendre soin des plantes guidé par la nature.

Chapitre "Sers uniquement la nature et tout ira bien", page 139

M. Fukuoka n'aime pas la notion de travail, il dit qu'il faudrait vivre une vie pleine de temps libre, sortir le matin pour voir s'il y a manger et faire une longue sieste l'après-midi. (J'ai pour ma part beaucoup à apprendre de ce point de vue, je suis dans une grande frénésie de travail depuis que j'ai commencé).

Les "hippies" et tous ceux qui essayent de retrouver le chemin d'une vie communautaire ouvre selon lui l'espoir d'un monde meilleur. N'étant pas lui-même religieux, il constate cependant un attrait de personnes de toutes confessions vers sa ferme, grâce à sa vision globale... et sauvage.

Deux écoles d'agriculture naturelle s'affrontent. Lui croit à celle du non-agir, celle qui ne va nul part, l'agriculture sauvage.

Je m'arrête là, avant la quatrième partie du livre, car je viens de me rendre compte que pour ma part, j'use de la première école, celle de "l'agriculture naturelle étroite" : j'essaye consciemment de suivre la nature au lieu de ne faire qu'un avec elle. Je ne sais pas encore comment pratiquer le non-agir ici. Chaque lieu a ses particularités. Je crois qu'il faut surtout faire preuve d'une certaine patience. J'agis souvent pour me donner bonne conscience, au lieu d'attendre le bon moment pour semer, je veux aller vite, toujours plus vite...

Pour faire une agriculture sauvage, il faut d'abord bien réfléchir. Laisser les idées fermenter. Observer. Tester à petite échelle, sur une terrasse à la fois.

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