"Je crois qu'une révolution peut commencer depuis ce seul brin de paille..."

"Je crois qu'une révolution peut commencer depuis ce seul brin de paille..."

Ouvrage très souvent cité dans le monde des permaculteurs, le livre de Masanobu Fukuaka, La Révolution d'un seul brin de paille, Une introduction à l'agriculture sauvage, publié en 1975 au Japon, est aujourd'hui mondialement connu. A la fois philosophe et agriculteur, il a contribué à diffuser une gestion holistique de l'agriculture. Il est même considéré par un bon nombre comme le fondateur de l'esprit de permaculture.

Le livre consulté (édition de 2005) est une traduction de traduction, c'est-à-dire qu'il a d'abord été traduit en anglais (américain) pour être ensuite traduit en français. 

La Révolution d'un seul brin de paille - Partie 1

Quand nous changeons la manière de faire pousser la nourriture, nous changeons notre nourriture, nous changeons la société, nous changeons nos valeurs.

Préface de Wendell Berry

- La permaculture ne s'intéresse pas qu'à l'agriculture, mais aussi à la santé, aux relations humaines.

- Le livre de Masanobu Fukuaka est à la fois pratique et philosophique. Donc inspirant.

- L'auteur préfère plutôt mettre en pratique que de donner des conseils, pour acquérir de l'autorité, car faire, c'est sortir de sa spécialisation.

- Son célèbre "non-agir", nous vivons en usant de la vie, non en la créant. (Voir la parabole des oiseaux de Saint-Matthieu). Mais ça ne veut pas dire : ne rien faire. Ce n'est pas une utopie.

Ici l'argument n'est pas contre le travail. Il est contre le travail inutile. Parfois les gens travaillent plus qu'il ne faut pour obtenir ce qu'ils désirent, et parfois, ce qu'ils désirent, ils n'en ont pas besoin.

Préface de Wendell Berry

Il s'agirait de garder l'ingénuité des enfants ou des personnes âgées et se demander "pourquoi"

- l'auteur condamne le morcellement de la science (spécialisation) : il souhaite poursuivre comme Sir Albert Howard (fondateur de la science organique occidentale), son sujet dans sa totalité, qui comprend ce qu'il connait et ce qu'il ne connait pas. D'où l'holisme...

La Révolution d'un seul brin de paille - Partie 1
La Révolution d'un seul brin de paille - Partie 1

Somme toute, on pourrait rapprocher la façon de concevoir la science de Fukuaka de la vision de Rabelais : "Science sans concience n'est que ruine de l'âme"

Quand on a compris qu'on perd joie et bonheur dans l'effort de les posséder, l'essentiel de l'agriculture sauvage est réalisé.

Masanobu Fukuaka

A strictement parler, la seule agriculture "sauvage" est la chasse et la cueillette. Faire pousser des récoltes agricoles est un changement culturel qui requiert de la connaissance et un effort constant. La distinction fondamentale est que monsieur Fukuaka cultive en coopérant avec la nature plutôt qu'en d'essayant de l'"améliorer" par la conquête.

Larry Korn dans l'introduction - p.16

M. Fukuoka fait vivre ses stagiaires dans la montagne, loin du confort moderne, pour qu'ils soient sensibles à leurs réels besoins : ils doivent se procurer l'essentiel dans la nature. 

M. Fukuaka est décrit dans l'ntroduction comme un pédagogue très dynamique, qui travaille aux champs et aux vergers avec ses stagiaires et apparaît au moment où l'on s'y attend le moins.

M. Fukuaka est devenu dans sa  jeunesse spécialiste des maladies des plantes lorsqu'il faisait des études de microbiologie et a travaillé pour les douanes agricoles. 

Il retourne dans son village natal à 25 ans pour vérifier ses intuitions, comme la vision (réelle) d'un plant de riz sauvage poussant sans eau dans la nature. 

... au lieu de pailler le sol, il apprit à les contrôler au moyen d'une couverture de sol plus ou moins permanente de trèfle blanc et de mulch de paille de riz et d'orge.

Larry Korn dans l'introduction - p.18

M. Fukuoka s'inspire de la méthode traditionnelle d'alternance des récoltes de riz et de céréales, tout en estimant qu'elle comporte du travail inutile. Cependant, même avec toute l'intelligence du monde, il faut travailler :

Une fois que l'agriculteur a décidé qu'une parcelle de terre devait produire du riz ou des légumes et a jeté les graines à la volée, il doit assumer la responsabilité d'entretenir cette parcelle. Bouleverser la nature puis l'abandonner est nuisible et irresponsable.

Larry Korn dans l'introduction - p.20

Après cela, nous avons droit à un descriptif des méthodes agricoles optées par M. Fukuoka, calendrier des semis et récoltes dans le détail. Le rendement en riz est égal à une grande ferme chimique ou traditionnelle de la région, tandis que le rendement céréalier... est supérieur !

Mais le vrai plus est dans le bienfait à la terre : chaque année, le sol s'améliore.

Les insectes sont présents mais n'attaquent que les plantes les plus faibles.

Les arbres poussent selon leurs formes naturelles et ne sont pas taillés bas et large comme on le fait habituellement pour notre confort.

Les légumes poussent presque sans soin une fois devenus grands, dans le verger et se ressèment parfois seuls quand ils ont été oubliés ou laissés. Mais à l'époque comme aujourd'hui, au Japon comme en France, on avance dans le sens opposé... (agriculture chimique).

 

Pendant des siècles, les paysans japonais ont maintenu la matière organique dans le sol en pratiquant la rotation des cultures, en ajoutant du compost et du fumier et en faisant de l'engrais vert. Une fois que ces pratiques furent négligées et que le fertilisant chimique à action rapide les remplaça, l'humus s'épuisa en une seule génération. La structure du sol se détériora : les récoltes s'affaiblirent et devinrent dépendantes des éléments nutritifs chimiques.

Larry Korn dans l'introduction - p.23

Bien qu'il ne s'en réclame pas, la philosophie de vie de M. Fukuoka se rapproche du Zen et du Taoïsme. Il lui arrive aussi parfois de citer la Bible et "évoque la philosophie judéo-chrétienne" ou la théologie pour illustrer son propos ou stimuler la conversation. 

Il croit que l'agriculture sauvage découle de la santé psychique de l'individu. Selon lui, la guérison de la terre va de pair avec celui de l'esprit humain.

La transition devient dès lors un processus permanent... Fin de l'intro.

Au début du livre, M. Fukuoka décrit sa méthode. Son champ n'est plus labouré. Le rendement est excellent. Il conclut le premier chapitre avec un "brin" de provocation :

Cette méthode contredit absolument les techniques de l'agriculture moderne. Elle jette par la fenêtre la connaissance scientifique et le savoir-faire paysan traditionnel. Avec ce genre d'agriculture qui n'utilise ni machine, ni préparation, ni fertilisant chimique, il est possible d'atteindre une récolte supérieure ou égale à celle de la ferme japonaise moyenne.

M. Fukuoka, chap "regardez ce grain" - p.33

Suite à un choc devant l'intuition de la futilité des actions humaines, ne pouvant partager une pensée si peu commune, que toute l'intelligence humaine est négligeable, il se lance dans l'agriculture du riz pour se confronter à la nature, directement.

Voici le détail de son histoire :

Alors étudiant du professeur Kurosawa, qu'il considère comme son père, il apprend à identifier les maladies des plantes et fait dans son temps libre de la recherche. Il sort aussi beaucoup à Yokohama "faire l'imbécile" (photographier une star du cinéma muet sans la reconnaître et ainsi avoir un aperçu de l'âme féminine" au retour des clichés autographiés).

A travailler sans relâche et sortir faire la fête, M. Fukuoka contracte une pneumonie. Jeune homme heureux et insouciant, il est alors confronté à la solitude et à la peur de mourir... Il tombe dans une forme de dépression.

Il s'en sort alors qu'il erre dans la nature et qu'il s'est endormi au pied d'un arbre. A l'aube, il voit un héron s'envoler, il se rend compte... qu'il ne sait rien. Cela le rend fou de joie. Et il démissionne, à la stupéfaction générale. On le croit devenu fou, surtout lorsqu'il dit :

De ce côté est l'embarcadère. De l'autre le Môle. Si vous pensez que la vie est de ce côté, la mort est de l'autre. Si vous voulez vous débarrasser de l'idée de mort, vous devez aussi vous débarrasser de l'idée que la vie est de ce côté. Vie et mort ne font qu'un.

Chapitre "Retour à la terre", p. 40

Inquiet, un ami lui suggère d'aller se reposer dans les environs de Boso, où il passe des jours à dormir dans un champ. Il revient à lui-même, sa gaieté diminue. Voyageant dans le pays, il cherche à diffuser son intuition sur l'inutilité de la plupart des actions humaines, mais il est  constamment "reçu comme un excentrique". Ne pouvant communiquer avec ses semblables, il retourne dans la plantation de son père et s'installe dans la montagne. Son père lui confie le verger et comme il ne taille plus les arbres, le verger entier dépérit.

Ma conviction était que les récoltes poussent d'elles-mêmes et qu'on n'a pas à les faire pousser. J'avais agi persuadé qu'on devrait laisser chaque chose prendre son cours naturel, mais j'ai remarqué que si vous appliquez cette façon de penser d'un seul coup, les choses ne tardent pas à aller mal. C'est de l'abandon, non de l'"agriculture sauvage".

Chap. "retour à la terre", p.42

Pendant huit ans alors, il sert le pays en guerre en tant que technicien spécialisé dans l'augmentation de la productivité agricole. Pendant ces années, il réfléchit sur l'idée qu'une agriculture naturelle pourrait tenir tête à l'agriculture chimique. La guerre terminée, il retourne à la ferme, où il va rester trente ans, "sans contact avec les gens en dehors de (sa) communauté". Il essaye sa méthode non en se disant "et si on faisait cela?", mais au contraire : "Et si on ne faisait pas ça ?".  Après avoir tué de nombreux arbres qui avaient été taillés et qu'il ne touchait plus pour en comprendre l'évolution, il en vient à se dire que l'homme, en taillant n'importe comment, fait aussi subir des dégâts que seule une autre taille pourrait soigner. Il faudrait donc en premier lieu observer le port naturel de chaque plante avant de tailler :

Si un seul bourgeon nouveau est enlevé à un arbre fruitier avec une paire de ciseaux, cela peut causer un désordre que l'on ne pourra réparer. Quand elles poussent selon la forme naturelle, les branches s'étalent alternativement depuis le tronc et les feuilles reçoivent uniformément la lumière du soleil. Si cet ordre naturel est brisé les branches entrent en conflit, se diposent l'un au-dessus de l'autre, s'emmêlent, et les feuilles dépérissent aux endroits où le soleil ne peut pénétrer. Les dommages causés par les insectes se développent. De nouvelles branches se dessèchent si l'arbre n'est pas taillé l'année suivante.

Chap. "retour à la terre", p.47

M. Fukuoka observe que finalement, son chemin, qu'il lui semble le plus intelligent, est de plus en plus suivi de par le monde.

 

 

Voilà le premier quart du livre ! A toi de tâcher de te procurer ce livre en ligne (le mien, je l'ai trouvé dans un groupe de permaculture par hasard), en librairie ou en bibliothèque, si tu veux en savoir plus !

Ou attendre que je publie encore trois articles pour finir !

Partie 2 par ici.

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