Masanobu Fukuoka, en 2002.

Masanobu Fukuoka, en 2002.

Nous en étions, lors du précédent article, au chapitre "Retour à la source" page 48 du livre de M. Fukuoka.

Je continue de parcourir ce livre en ta compagnie, jusqu'à la moitié, c'est-à-dire jusqu'au chapitre "La terre du verger", page 86.

L'idée de ne pas cultiver la terre était considérée comme ridicule. Puis, déjà du temps de M. Fukuoka, quand son travail fut popularisé, cette idée devint ensuite une mode. Mode encore aujourd'hui, que l'on range le plus souvent sous le nom "permaculture" sans trop en connaître les idées originales, celle de M. Fukuoka, par exemple.

Un des problèmes que soulève un mouvement de mode est sa superficialité, qui engendre ce genre de phénomènes : 

Mais si les gens se laissent simplement gagner par la réaction, allant vers la gauche ou vers la droite selon la situation, le résultat n'est qu'un accroîssement des efforts.

Chapitre "Retour à la source" page 49

Comment se fait-il alors que cette pratique reste marginalisée ?

- le monde se serait "tellement spécialisé qu'il (serait) difficile aux gens de saisir quoique ce soit dans leur intégralité".

- ensuite le temps que les institutions spécialisées fassent toutes des recherches en ce qui concerne leur domaine pour prouver la véracité de cette "non-pratique", le temps peut devenir très long...

M. Fukuoka semble marteler son antiscientisme, mais pourrait-on qualifier ce dernier de "primaire", lui qui a pourtant une formation et un passé de scientifique spécialisé dans la maladie des plantes...? 

De prétendus experts commentent souvent : "l'idée de base de la méthode est bonne, mais ne serait-il pas mieux de moissonner à la machine ?" ou "le rendement ne serait-il pas supérieur si vous utilisiez du fertilisant et du pesticide dans certains cas ou à certains moments ?" Il y a toujours ceux qui essaient de mêler l'agriculture sauvage et scientifique. Mais cette manière de penser manque totalement le but. L'agriculteur qui va vers le compromis ne plus critiquer la science au niveau des principes. (...) Je pense que la compréhension de la nature dépasse la portée de l'intelligence humaine. (...) L'ironie est que la science n'a servi qu'à mettre en évidence combien la connaissance humaine est petite.

Chapitre "Une raison qui a empêché l'agriculture sauavge de se répandre" page 52

Pourquoi nous serait-il impossible de connaître la nature ?

Nous isolons trop les éléments pour capter l'ensemble d'une chose, d'un être et leurs "innombrables variations". 

Et c'est pourquoi l'utilisation de produits chimiques n'est pas un problème pour l'entomologiste seul. Les philosophes, les religieux, les artistes et les poètes doivent aussi aider à décider si oui ou non il est admissible d'utiliser des produits chimiques dans l'agriculture et ce que peuvent être les conséquences de l'utilisation de fertilisants, même organiques.

Chapitre "l'humanité ne connaît pas la nature" page 56

M. Fukuoka propose alors quatre principes de l'agriculture sauvage (contre douze à quatorze dans la permaculture, de David Holgrem et Molisson, qui ne concerne pas que l'agriculture mais tous les domaines de la vie de l'homme). Les quatre principes de Fukuoka concerne ici l'agriculture (page 60) :

- Ne pas cultiver (ne pas labourer).

- Pas de fertilisant chimique ou de compost préparé. "Les hommes brutalisent la nature et ne peuvent réparer les blessures qu'ils causent".

- Ne pas désherber au cultivateur ou aux herbicides.

- Pas de dépendance envers les produits chimiques.

L'habituelle voie d'action sur les mauvaises herbes est de cultiver le sol. Mais lorsque vous le cultivez, les graines enfouies profondément dans le sol qui n'auraient jamais germé autrement, sont remontées à la surface et vous leur donnez une chance de germer. De plus, dans ces conditions, vous donnez l'avantage aux variétés à germination et croissance rapides. Ainsi pourriez-vous dire que l'agriculteur qui essaye de contrôler les mauvaises herbes par la culture du sol, sème littéralement les graines de sa propre infortune.

Chapitre "Quatre principes de l'agriculture sauvage", page 63

L'observation de la nature est un point crucial.

Ensuite, pour éviter les mauvaises herbes, on peut semer pendant que ça murit encore, en "calculant les semailles de sorte qu'il n'y ait pas d'intervalle entre la succession des cultures". Il faut aussi savoir les accepter, les vergers couverts d'herbes sont devenus communs, par exemple.

En ce qui concerne le traitement des maladies, ce sont justement les traitements qui rendent les plantes de plus en plus malades. Il faudrait notamment savoir pourquoi un champignon fait son apparition, avant de soigner chimiquement pour masquer momentanément la maladie, provoquant des réactions en cascade, une dépendance aux traitements, rendant paradoxalement moins résistantes les plantes.

Pour être semées sans culture aucune, les graines sont enduites de barbotine qui forment des petites boules d'argile, puis sont recouvertes de paille. Deux méthodes pour cela :
- pulvériser de l'argile et de l'eau finement sur les graines étalées sur un plateau dans un mouvement de va-et-vient circulaire.
- tremper les graines dans l'eau qqs heures, mélanger à l'argile humecté, presser l'argile dans un tamis à gros trous pour séparer en petites mottes, laisser sécher un jour ou deux, jusqu'à ce qu'on puisse faire des boulettes. Idéal : une boulette, une graine. 
Je connais une autre méthode, mélanger des graines à de la barbotine et les mettre sur une butte en massant la terre avec le mélange graines barbotine.

Selon M. Fukuoka, il n'existe pas de méthode plus simple, boulette + paille afin de semer. Méthode qu'il a mis trente ans à trouver.

Ici, il faut préciser que cette méthode (bien plus détaillée dans le livre) est adaptée à la culture du riz et des céréales au Japon, qu'elle peut servir d'inspiration mais ne peut être reproduite à l'identique nul part ailleurs.

La transition 

Pendant la transition vers cette sorte d'agriculture, un peu de désherbage, de compostage ou d'élagage peuvent être nécessaire mais ces mesures seront graduellement réduites chaque année. Finalement ce n'est pas la technique de culture qui est le facteur le plus important, mais plutôt finalement l'état d'esprit de l'agriculteur.

Chapitre "Agriculture avec les mauvaises herbes", page 70

Le paillage est fondamental.

Non-hachée, mis de manière désordonnée, comme si les tiges étaient tombés d'elles-mêmes. Il faut faire très attention à l'utilisation de la paille fraiche pour éviter les maladies. La paille séchée est sans danger, au contraire, elle peut se montrer excellente en fonction de son origine et de sa destination.  L'arrosage se fera le matin sans mouiller les feuillages.

La paille enrichit le sol. La qualité du sol s'améliore avec les saisons.
Il ne faudrait pas préparer de compost, mais une fine couche de fumier étalé sur la paille suffirait. En six mois la paille se décompose.

Jadis, les paysans sanctifiaient leurs graines, les nettoyaient comme s'ils avaient destinés à "l'autel des ancêtres", en priant durant les semis.

Jeter des graines à la volée enrobée d'argile, comme il le fit alors M. Fukuoka, pouvait donc être considéré comme une folie.

La paille lutte contre les herbes indésirables et contre les oiseaux, en cachant les semis.

 

 

Les petits plants trapus aux formes naturelles portent autant de riz que de reste de tige et de feuilles. Ils sont moins impressionnants mais plus efficaces en rendement.
M. Fukuoka entre sur les détails de sa culture du riz sur ce sujet, dans le chapitre "Culture sèche du riz" p.78. Il n'inonde pas ses champs, contrairement à la méthode traditionnelle.

Regardée par l'oeil septique d'un technicien, ma méthode peut paraître ne garantir qu'un résultat éphémère. "Si l'expérience était prolongée on verrait certainement apparaître un problème ou un autre", dirait-il. Mais je fais pousser le riz de cette manière depuis plus de vingt ans. La production continue à augmenter et le sol devient chaque année plus riche.

chapitre "Culture sèche du riz", p.82

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