Brèves (Mauvaises) nouvelles
Nous sommes partis un jour en Italie avec Florian oublier le monde du réel dans un monde de détente en bord de piscine, invités par des amis. Ce genre de jour où l'on regarde les potes de son mec, d'une incroyable insouciance, se griller comme des saucisses sur des chaises longues au soleil, tandis qu'indécrotable je reste à l'ombre en sirotant des bonnes coupelles de vin blanc frais. Je trempe un peu les pieds dans l'eau froide, sans lâcher mon verre. Le travail me hante.
A notre retour de cette farniente totale le soir je n'ai rien remarqué.
Ce matin j'ai fondu en larmes en constatant que des semaines de travail avait été envoyées en l'air à cause d'une créature passée dans la nuit. Ce fut ma première pensée.
Plus de quatre parcelles en haut ont été ravagées.
Je me dis : "Haut les coeurs ! Replante, replante !"
Autre chose, revenue de mes larmes (la culpabilité d'être partie et aussi d'avoir démissionné de mon poste de fonctionnaire en me coupant du monde, de la possibilité d'une reconversion en souplesse), j'ai trouvé à chaque inconvénient des avantages. Pour être tout à fait honnête, sinon ce journal n'aurait pas de sens, j'ai dû prendre deux types d'anxiolytiques différents pour surmonter la crise d'angoisse qui montait. Afin de pouvoir prendre du recul. ça m'a calmée en une heure.
C'est extrêmement pénible de devoir sans cesse se plier à la nature, d'y être si près confrontée, d'avoir l'impression de lutter contre les éléments, de ne rien savoir et de toujours devoir voir pour ne pas s'effondrer, le verre à moitié plein, sans être dans le déni. Sans se sentir noyé et incapable de refaire et de refaire encore, sans résultat.
Par exemple, de la parcelle en friche de salades que j'avais faite, un plan où de très nombreuses salades étaient en compétition, de ce petit jeu que je faisais avec la nature justement, maintenant détruit, je peux récupérer une à une chaque salade et les repiquer dans une grande terrine. De cet incident, par exemple, je vais en sortir gagnante : plus de salades (elles se repiquent facilement) à éparpiller partout.
Pour le composteur, je vais récupérer le compost frais et l'épandre sur les parcelles où mes butternuts souffrent de malnutrition.
Breaking new : Le voisin de gauche que je viens de rencontrer et qui débroussaille à la machine qui pue et qui pète (je sens le gasoil de chez moi) est très sympathique, sourire et détente. Il vient d'accepter que je vienne ramasser ses débris végétaux et a poussé le zèle à me dire qu'il les alignerait sur notre frontière pour que ma tâche ne soit pas trop épuisante.
Etc.
On dit en permaculture : à chaque problème sa solution. Ou plus justement : Le problème EST la solution.
De n'être pas capable de voir le côté positif de chaque malheur nous perd. Mais se juger avec dureté sur cette incapacité n'aide en rien.
Mais en mode survie comme moi actuellement, ma jeune pensée obtuse se cogne à la porte de ses désirs de perfection, insatiables, par définition, interdis.
C'est un travail d'agriculteur intellectuel, la permaculture ? Ou simplement de bon sens ? Je penche franchement pour la deuxième option. Bon sens et douceur de vivre. Ne pas se martyfouetter en permanence sur ce que nous aurions dû faire comme choix en amont, ou la position dans la vie, à tel ou tel moment pour ne pas connaître tel ou tel malheur.
Comme on le dit bien simplement, ce que tous savons et que tous avons tendance à zapper : pas de joie dans douleur, pas d'avancée, sans douleur, pas de plaisir, sans frustration.
Prenons quelqu'un qui souffre atrocement d'une douleur qu'il ne peut pas identifier. Comment peut-il se sauver de cet Enfer? Généralement, si la douleur est insurmontable, la fuite est souvent la solution : mort, décrochage, voyage. Ou est-ce que tout simplement il se fabrique ce malheur pour ne pas voir sa propre mort en face ? Comme si les suicidaires étaient les personnes qui avaient le plus peur de la mort. D'où cela viendrait-il ? Une peur d'un danger pas bien identifié, chaque échec nous renvoie à la possibilité de la décrépitude et de la mort, et cette image peut nous sembler d'une violence inouïe. D'où la fabrication d'un malheur plus petit, à notre échelle personnelle, la vision tout simplement négative que nous avons de telles ou telles situations, qu'il est impossible de prendre autrement. Dire, oui, je vais vers le noir et ce que je fais est éphémère, instable, comme une dune.
Le composteur dévasté. Solution trouvée : récupérer le compost presque mur pour nourrir les plans qui en ont le plus besoin. Garder cette précieuse source dans un lieu approprié...
Deux récoltes différentes : fanes de navets cuite à l'ail (un peu amer) et super radis dont le goût ne dépareille pas. Matte le gros machin à côté des mes doigts. C'est leur taille adulte, et la vache ça, c'est bon....